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Publié le par Sandra GOURJON

Atelier du 27 avril 2015 - Portrait d'un personnage marquant de notre enfance à partir d'éléments réels et d'autres imaginaires :

La scandaleuse

Dans la maison de mes grands-parents, nul portrait de celle que l'on ne nommait pas. Je n'appris que tardivement son existence lors d'un repas familial où un de mes oncles prononça le prénom de Monique. Le visage de mon grand-père s'empourpra sous l'effet de la colère quand celui de ma grand-mère devint livide. Monique c'était la scandaleuse. Une jolie brune aux yeux clairs, le sourire éclatant que je découvris sur une photo. Le regard franc, elle affichait une insolence et un tempérament fougueux propre à la jeunesse. Elle s'était mariée jeune comme beaucoup de femmes dans les années 50 / 60 et avait eu deux petits garçons. Une vie en apparence heureuse avec un homme aux qualités morales irréprochables. Et puis un jour, Monique est partie, abandonnant mari et enfants pour vivre sa vie. Des années dans donner signe de vie et l'opprobre jetée sur la famille dans ce petit village où les nouvelles se diffusaient à la vitesse du mistral. Qu'était devenue Monique ? Elle s'était probablement ennuyée à mourir à attendre chaque soir son jeune fonctionnaire de mari. Gentil mais tellement terne. Monique respirait l'énergie et le romantisme. Je l'imagine un après midi au parc avec ses garçons. C'est un printemps précoce, la végétation est abondante et odorante, les arbres sont en fleurs et les insectes bourdonnent déjà dans la chaude lumière d'avril. Monique est assise sur un banc, ses yeux suivent négligemment les enfants qui grimpent à l'assaut du toboggan en se bousculant l'un l'autre. Près d'elle, s'installe un homme, vêtu de manière banale. Il engage la conversation, parle de ses nombreux voyages en France. Il est représentant de commerce pour une société d'outillages agricoles. C'est un marché porteur qui est à la mesure de ses ambitions. Il est volubile, évoque ses projets de vie : se construire une maison grande et moderne, s'offrir quelques jours de vacances à l'hôtel, avoir des enfants et bien sûr rencontrer la femme de sa vie. Ils prennent l'habitude de se retrouver deux fois par semaine à la même heure sur ce banc. Marcel par son sourire et ses conversations insuffle une fantaisie et un enthousiasme nouveau dans la vie de Monique. Pourtant, Monique le sait, les jours de cet amour platonique sont comptés. Un après midi, elle trouve sur le banc une enveloppe à son intention. Elle déplie un simple feuillet sur lequel est noté : rendez-vous demain à 17h à l'hôtel de la gare. Monique observe le parc, les mères de famille tranquilles, les enfants qui crient, l'été qui s'annonce et avec lui une saison nouvelle qu'elle nomme le bonheur.

Publié dans Ateliers d'écriture

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